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Le hammam est le lieu le plus chargé de mystère du monde de l’Islam. Une moiteur enveloppante accueille le visiteur dès qu’il a franchi la porte d’entrée. Ici c’est le jeu des lumières, des regards et celui des bruits d’eau. Les bains maures résistent au temps et inspirent depuis des siècles les écrits et les fantasmes des voyageurs. Nudité des corps, énigme des silhouettes qui se frôlent. Histoire d’eaux, histoire de femmes.
Dans ces bains, temples du corps et de la santé, lieux voluptueux où les vapeurs, l’eau et les massages s’unissent pour procurer au corps bien être et purification. Dans cet obscur refuge paisible, les femmes se lavent à grande eau avant de s’épiler, se massent, se parfument et partagent secrets et anecdotes. Leur peau en ressort plus lisse, plus brillante et plus douce encore.
Désigné comme « bain maure », « bain turc », « bain de vapeur » ou « bain chaud », le hammam est un bain à étuve formé de 3 pièces plus ou moins chaudes. Il se rattache au modèle des thermes antiques et comporte une pièce tempérée à 20° ou salle de repos, une salle de soins à 32° et une pièce chaude à 48°.
Les Grecs et les Romains se partagent la paternité du hammam mais ce sont les Grecs qui créent les premiers bains dits publics. A cette époque, le culte du corps, du sport et du combat est développé, et de ce fait, l’homme éprouve très vite le besoin de s’assainir. Les Romains prouvent leur avance technique en faisant circuler l’air chaud en dessous du sol ce qui permet de chauffer les salles aux températures désirées. Ces thermes romains incluent les mêmes éléments que ceux des Gymnases grecs, mais subissent une transformation au niveau des dimensions et les bains vont prendre une partie plus importante.
Quand les Musulmans bâtissent leurs premiers bains au 8e siècle, ils adoptent l’exemple romain trouvé en Syrie et l’adaptent à leurs besoins.
Dans la culture islamique, l’homme peut être revitalisé de diverses façons, par la purification de quelques organes du corps, par la prière ou par les bains, considérés comme complémentaires à la mosquée. Le bain islamique commence par un bain à air chaud qui se transforme par la suite en bain à vapeur. Des chambres à vapeur à des températures très élevées se succèdent. Le bâtiment devient plus petit que celui des romains et se compose de deux parties principales : froide et chaude. Leur système de réchauffement devient une simplification des bains romains, les bains turcs en sont ainsi une continuation adaptés à une nouvelle civilisation. Le processus de transformation de cette institution se poursuit et s’adapte aux besoins d’une nouvelle culture et à sa géographie. Les chambres à air chaud qui existaient chez les romains se modifient pour s’adapter au climat de l’Islam.
Un élément essentiel différencie les thermes romains des hammams d’Orient : dans les hammams, l’eau qui alimente les bains est une eau courante et non stagnante comme dans les thermes, ce qui garantit une meilleure hygiène et propreté. Ibn Sina, connu sous le nom d’Avicenne, trouvait au hammam des vertus thérapeutiques : vertus des vapeurs, vertus de l’alternance chaleur et eau fraîche, vertus du massage, circulation du sang accélérée, meilleure irrigation de tout le corps ayant un effet bénéfique tant sur le corps que sur le cerveau. A la grande époque de l’Orient, une ville est considérée d’autant plus riche et puissante si elle compte un nombre important de hammams. Bagdad pouvait se glorifier de plus de 3000 hammams. Les salles de bains n’existant quasiment pas dans les maisons, le hammam restait le seul lieu pour se purifier et se laver.
D’abord le baigneur se dirigeait vers le Maslak (halle froide) pour se relaxer, pour ensuite aller vers le Beit-el-Harara (Halle chaude). Dans cette partie, le personnel accueille le baigneur pour le masser, l’étirer et lui frotter la peau pour le nettoyage corporel. Après ce rituel de nettoyage et étirements musculaires, le baigneur se dirige vers les petites salles annexes, le maghtas, pour transpirer en hiver et se refroidir en été. Ce parcours dans le hammam se termine avec un retour au maslak pour se reposer et retourner au monde extérieur.
Jusqu’au 20e siècle, se rendre au hammam constitue l’activité sociale et religieuse la plus importante pour les femmes ainsi qu’une occasion de quitter le foyer familial. Les femmes orientales ont intégré le hammam dans des rites tels la purification qui suit l’accouchement ou précède le mariage.
Le SPA
Le mot spa provient de l’expression latine « Sanas per aquam » qui désigne « la santé par l’eau ». Depuis longtemps déjà, les hommes utilisent les vertus thérapeutiques de l’eau chaude.
Les cultures grecque, romaine, égyptienne, turque, japonaise mais également nordiques ont longtemps partagé cette forme de bain chaud en commun. Les citoyens s’y côtoient, les bains devenant des lieux d’hygiène, d’échange, de vie sociale et de communauté. Au japon, les bains d’eau chaude, coutume familiale, sont nommés ofuro. Dans les années 60, aux USA, les premiers hot tubs en bois apparaissent en nombre, surtout en Californie. Ce sont des prototypes inspirés des ofuros japonais fabriqués avec des moyens de fortune comme des tonneaux en chêne.
Une industrie est née ! Joe Jacuzzi et ses 6 frères, une famille italienne vivant en Californie, ne savent pas à l’époque qu’ils vont révolutionner le monde du bain chaud. Ils ont simplement cherché à employer l’hydrothérapie pour soulager la douleur de l’arthrite d’un membre de leur famille. En 1954, les Jacuzzi brevètent la pompe Whirlpool, qu’ils perfectionnent plus tard couplée à des jets en utilisant un système venturi. Souvent utilisé pour désigner le spa, le terme jacuzzi est en réalité le nom d’une société qui fabrique et commercialise des équipements de balnéothérapie en Californie - de même qu’on nomme improprement un mouchoir en papier “kleenex”. « Spa » viendrait de la station thermale belge de Spa.
Le hammam est un établissement de bain traditionnel où les salles chaudes succèdent aux salles froides. Il symbolise notamment le dénudement progressif du Croyant (tadjrîd) se débarrassant de ses oripeaux visibles, en vue d’une initiation aux mystères cachés. L’enfilade des salles, de la plus froide à la plus chaude, suggère en effet cette évolution spirituelle. Quant à la salle d’attente, elle peut symboliser le barzâkh, lieu intermédiaire qui sépare le sacré du profane, le paradis de l’enfer (limbes), le visible de l’invisible.(Malek Chebel, Dictionnaire amoureux de l’Islam)
A Essaouira, comme dans toutes les villes, hammams traditionnels ou plus luxueux se côtoient. Les grands hôtels offrent à leur clientèle des gammes de soin complète pour le plaisir des sens et du corps. Le hammam et le spa offrent une pause essentielle, bien loin des soucis quotidiens. Les brumes de vapeur chaude et apaisante enveloppent et apportent calme et volupté.
Lorsqu’Orson Welles réside à Mogador pour le tournage de son film Othello en 1947, il fréquente le hammam Farnatchi. Ce hammam traditionnel, existe toujours et les guides touristiques le mentionnent. Dans une ruelle derrière le souk aux épices, son système de chaufferie est visible par des grilles. Contrairement à ce qui se raconte, la fameuse scène du hammam dans le film n’a pas été tournée dans ce lieu : le hammam a été reconstitué dans le souk aux poissons, la vapeur, et la buée qui en découle, se collant aux objectifs.