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Loin, très loin du village de pêcheurs en avançant vers le cap, plusieurs naufragés reposent sur le sable, cimetière marin et magique.
Au détour d’une baie c’est « Nuage » qui apparaît le premier, vaisseau abandonné. Parti de Marseille au mois d’août pour une durée de dix mois, et en route pour les Antilles via Agadir, Jean-Marc s’est échoué le 2 octobre en pleine nuit sur la plage non loin des rochers déchiquetés du cap. Une chance dans son malheur il risquait sa vie. « Nuage » a donc arrêté sa course ici, bateau d’aluminium de 12m, un « Beaujolais », qui sera démantelé ces jours ci, trop abimé pour envisager des réparations, après le sauvetage de tout le matériel qui pouvait être récupéré avec les effets personnels de Jean-Marc. Il aura perdu son bateau mais garde le sourire devant la chaleur et le réconfort qu’il a trouvé à Essaouira.
En continuant d’avancer le long des dunes, c’est une tortue géante qui git, dépouillée de sa carapace elle ressemble à un vieux phoque malade. Environ deux mètres de long et probablement en provenance des Açores dont les eaux sont fréquentées par cinq espèces différentes de tortues de mer, sur les sept recensées dans le monde. Celle-ci aura dérivée avec le Gulf Stream pour s’échouer ici, épuisée.
Un creux de rocher et un autre individu surgit. Les ailes pliées, posé et pas farouche, il nous regarde étonné, long bec bleuté et yeux ronds. Blessé, sa course aussi se termine ici dans ce décor du bout du monde. Le fou de bassan ne fréquente habituellement pas ces côtes, une tempête aura fait dévier son vol. Pour les lecteurs du Guido nous avions signalé voilà plus d’un an un groupe d’une dizaine de fous de bassan morts le long des plages de sidi Kaouki, sans doute pris dans une tourmente. Les fous de bassan sont des oiseaux pélagiques, qui parcourent l’hémisphère nord et qui sont surtout visibles en haute mer. Ils se rapprochent des terres en été, le seul site de nidification en France reste les Sept Iles dans les côtes d’Armor.
Le fou de Bassan tire son nom de son comportement : il repère les bancs de poissons au vol, plongeant en piqué d’une hauteur de 30 mètres parfois. En approche finale, il adopte une posture aérodynamique typique (à l’image d’un concorde : les concepteurs s’inspirèrent de cet oiseau pour la posture aérodynamique de l’avion !) lui permettant de rentrer dans l’eau à 100km/h sans se blesser. Il plonge ainsi à 6-7 mètres de profondeur, sous le banc de poissons, avant de remonter vers la surface, traversant le banc au passage et capturant sa proie. Lorsqu’il remonte à la surface, sa proie est généralement déjà engloutie ; d’où son nom de « fou » attribué par les pêcheurs écossais, premiers observateurs de cet oiseau, surpris par ces plongeons spectaculaires et à première vue insensés !
Notre dernier naufragé sera un dauphin. Sans doute échoué depuis un certain temps, du mammifère marin il ne reste que le squelette, une tête, des os et des vertèbres déjà blanchies par le sel et le soleil, sculptures naturelles magnifiques.