Selectionnez une rubrique, un article ou un numéro du GUIDO
Que brûlent les péchés ! Le mot ramadan signifie étymologiquement « brûler », parce que ce mois est l’occasion pour les musulmans de se faire pardonner les péchés qu’ils ont commis : le mois de ramadan était à l’origine un mois d’été et la racine « RMD » veut dire en arabe “ être brûlant ”. Ramadan est le nom arabe du 9ème des douze mois de l’année lunaire. Chaque année, il tombe à une date différente, dure 30 jours et les règles qui le régissent, explicites et implicites sont très précises.
Pilier de l’islam, les musulmans se privent de manger, de boire et de toute activité sexuelle du lever au coucher du soleil. C’est une période de recueillement et de compassion, un moment plein de sens et d’évènements d’histoire religieuse de l’Islam. Chaque musulman se doit de traverser cette épreuve, à l’image du prophète Mohammed. L’asthénie et la faim éprouvées durant la journée sont compensées par la nutrition de l’âme faite par le truchement d’actes d’adoration (prières et invocations). Les journées, courtes et fraîches en hiver, deviennent chaudes et interminables l’été au point que la soif devient insupportable.
Coup de canon ! C’est l’heure de la rupture du jeûne. Le ftour est le repas qui, chaque jour, rompt le jeûne, cime la plus haute de toutes les pratiques d’adoration de Dieu. Ce terme désigne aussi la pointe du jour, le moment ultime avant l’irruption de l’obscurité qui définit le moment de la prise du repas, dit en arabe “ FTR ”, qui signifie cassure, séparation, rupture.
On appelle Aïd al-Fitr, la fête qui clôt le mois de jeûne qui sépare le mois de Ramadan des autres. C’est une période chaleureuse et solennelle, de partage ; l’ambiance est à la convivialité et aux échanges, mais aussi un soulagement, une bénédiction après une journée fatigante passée sans eau ni nourriture.
Quand on ne jeûne pas et que l’on observe la ville alentour, le ftour est un moment à la fois inquiétant et surréaliste. Quelques minutes avant le coucher du soleil et avant le chant du muezzin, la ville entière s’accélère : les conducteurs respectent encore moins le code de la route et les piétons pressent le pas, sourds de faim ; nervosité, stress, agitation continuelle sont les maîtres mots de ce moment. Tous les citoyens n’ont qu’une idée en tête : rentrer manger au plus vite, souvent en courant. Et tout à coup, alors que retentit la longue sonnerie indiquant à tous qu’il est l’heure de se rassasier, la ville s’arrête. Plus un bruit. Un silence de mort recouvre la ville, habituellement si bruyante. Le pays entier est plongé dans une torpeur dont il ne sort que progressivement pour entamer la deuxième partie de la journée, plus festive mais toujours teintée de piété. Les premiers échanges sont toujours consacrés au déroulement de la journée, aux sensations ressenties, physiquement et moralement. Les mets préparés dans la journée sont dévorés, engloutis. Les menus au moment du ftour varient peu et restent la plupart du temps très traditionnels : gâteaux au miel (jbakia), harira (soupe), dattes, gâteaux secs (pas de gâteaux à la crème), crêpes berbères (batbout, msemen, barrir), café au lait ou si la saison est automnale lait sucré et avocat mixé.
Le ramadan est un temps fort de la vie sociale. Les membres de la famille se font un devoir de se retrouver pour prendre ensemble le ftour : seuls les épiciers mangent dans leur boutique et de rares personnes isolées dans les cafés. Les longues soirées sont consacrées aux visites, après un temps passé pour certains dans les mosquées à écouter la psalmodie du Coran, ou dans les cafés qui ferment beaucoup plus tard que d’ordinaire. L’ambiance est à la fête. Aujourd’hui, surtout dans les médias, on ne jeûne plus le mois du ramadan mais on le « fête ». Des programmes télévisés animent les « Nuits du Ramadan », sitcoms, pièces de théâtre, concerts, émissions culinaires et humoristiques. Dans les pays du Maghreb, les jeunes profitent de l’occasion pour sortir s’amuser toute la nuit. Il y a là un glissement de la dimension spirituelle du ramadan à une dimension plus festive, plus médiatique.
Ramadan est une période à part, hors du temps, une longue parenthèse dans l’année. Pendant Ramadan, on entre dans une dimension parallèle. La teinte inhabituelle que prennent les choses et un léger ralentissement du rythme de vie indiquent que nous ne sommes plus tout à fait dans le même monde.